Ce que j'en dis...

Migrations


Les Français.e.s voyagent
Les Africain.e.s migrent


J'ai eu l'occasion d'accueillir quelques jours chez moi un migrant "mineur isolé". Il s'agissait d'un jeune Malien de 17 ans, appelons-le Issa, charmant et bien élevé, qui souhaitait tenter sa chance en France, comme tant de jeunes de tous pays qui veulent découvrir le monde. Son grand-père a travaillé durement toute sa vie dans la région parisienne, et est revenu au pays pour sa retraite. Son père s'en était allé aussi, absent plusieurs années, au début dans la clandestinité, et n'a pu revenir passer ses vacances auprès de sa famille qu'après avoir obtenu des papiers, au bout de 10 ans. Ce père continue ses allers-retours annuels pour son travail, dans le bâtiment, et dans un supermarché. Le premier fils a bien réussi ses études au Mali et travaille à Bamako. Les sœurs sont mariées et mères, vivent à proximité de la maison familiale. Le quatrième enfant, notre jeune Issa, n'aime pas trop l'école, et à son âge, ne veut plus rester chez maman. Il rêve de partir, lui aussi, en France.

Papa finance le voyage, donne de l'argent à Issa qui peut entamer un long périple en car, taxi-brousse, camion, bateau,  traversant le Niger et la Lybie, puis la Méditerrannée, pour arriver d'abord en Sicile, où il est embauché à la cueillette des olives, ce qui lui permet de s'acheter un smartphone, et où on lui remet un laisser-passer européen pour mineur. Il reprend le train, long voyage jusqu'à Paris. A chaque fois qu'il est contrôlé, il a très peur mais son laisser-passer fonctionne. A Paris, le père ne peut pas l'héberger ou s'occuper davantage de lui. Il aurait du pour cela se lancer dans de longues procédures de regroupement familial. Et puis son fils est un homme, il doit, comme lui dans sa jeunesse, se débrouiller pour s'insérer. Il a financé chèrement le voyage pour que son fils voyage en sécurité, Issa doit à présent faire ses preuves.

"Tu peux aller au Daomi comme tu es mineur, on s'occupera de te faire étudier et apprendre un métier. Mon fils, respecte Dieu et la France, soit poli, ne boit pas, ne vole pas, travaille, et tu pourras ramener de l'argent au village et te marier à ton tour".

Issa va au DDAEOMI[1], il est grand, a la voix grave ; il est rejeté, on ne croit pas qu'il est mineur[2].

Il est recueilli par une association de bénévoles dans un squatt, ensuite chez nous qui l'hébergeons quelques jours. Puis il reprend le train, on lui a indiqué un foyer dans une autre ville, il doit rencontrer un avocat pour tenter un recours.

Issa déprime un peu et se pose beaucoup de questions. Il découvre notre société où les familles s'éparpillent, où les vieux parents ne vivent pas dans la maison familiale. Ce qui est stupéfiant, c'est que l'on puisse vivre sans croire en Dieu. Ce qu'il voudrait, c'est apprendre un métier, peintre, charpentier, ou faire la plonge. Gagner de l'argent, en envoyer à sa mère, économiser pour plus tard. Mais pourquoi est-ce si compliqué ? Pourquoi ne veut-on pas de lui ? Il n’a rien fait de mal !

 ------------------------

 [1] Dispositif Départemental, d'Accueil, d'Évaluation et d'Orientation des Mineurs Isolés.

[2]https://blogs.mediapart.fr/marisol-gimenez/blog/270117/toulouse-plus-de-180-jeunes-isoles-etrangers-mis-la-rue-par-le-conseil-general

-------------------------
Sur le même sujet, article sur mon blog Access'Infos,
des textes faciles à lire et à comprendre : 
     


-----------------------

Ce que j'en dis :

 

Tous les jeunes gens du monde devraient pouvoir, s'ils le souhaitent, parcourir le monde et tenter leur chance ailleurs. Des millions d'occidentaux le font, peuvent visiter et s'installer sur tous les continents. Ce droit devrait être accordé à tous. Qu'il y ait des procédures de régulation et de contrôle mises en place dans les pays, cela parait nécessaire ; mais que l'on essaie de bloquer les accès, en mettant en danger la vie des personnes qui veulent se déplacer, comme c'est le cas en Méditerranée ou dans les Alpes ; qu'on astreigne ces personnes de vivre dans la rue, le froid, en détruisant leurs abris, en empêchant les associations d'accueil d'agir, c'est indigne et inhumain.

 

Issa, même s'il était majeur, en relative sécurité dans son pays, devrait pouvoir, comme mes enfants, partir à l'étranger, tenter sa chance, gagner de l'argent par son travail, et repartir chez lui, que cela ait fonctionné ou pas. Mais ces gens qui bravent les dangers pour venir, même s'ils sont déçus ou ne trouvent pas leur place, ne peuvent pas repartir, effrayés qu'ils sont à l'idée de refaire un tel voyage, ou de ne jamais pouvoir revenir.

 

Ils sont bloqués, ils se regroupent et s’entassent, survivent comme ils peuvent, et certains d’entre eux finissent par provoquer des nuisances et des conflits.

 

Se sentir libre et responsable de son destin donne de la confiance et de la dignité, au lieu de développer des sentiments de frustration, honte, relégation, impuissance, quand on se sent rejeté, indésirable, miséreux dans un pays riche.

 

Des frontières ouvertes aux personnes permettraient des allers-retours, des expériences, des découvertes pour tous. Les déçus repartiraient sans crainte, pourraient expliquer que non, ce pays n’est pas un eldorado où l’argent se trouve facilement, puis d’autres mieux informés et formés pourraient revenir tenter leur chance, et retourner chez eux quand ils le souhaitent, comme nous le faisons. La liberté de circuler permettrait également aux uns de relativiser les avantages des autres, et de ne pas laisser croire que l’on vit forcément mieux dans un HLM français que dans un village africain.

 

Les déplacements liés aux guerres, aux catastrophes, c’est autre chose. Tous les pays doivent prendre leur part de ces migrations-là, ce sont les pays pauvres qui accueillent le plus ces populations.

Migrer, c’est aussi voyager ; explorer, c’est dans la nature humaine. Cela n’a rien d’inquiétant et cela a toujours été source d'enrichissement culturel, d’ouverture aux autres.

 

 27/1/18

-------------------------------------------


DISCUSSION :

Nanie : "Tout à fait d'accord ...la politique au sujet des migrants est complètement inadaptée."


Pierre : "La répression féroce de notre Etat contre les malheureux migrants, et les pressions, menaces, contre ceux qui les aident sont révoltantes, la solidarité et la fraternité sont des délits..."

Louis : "
Bravo pour ce partage d'expérience, ces questionnements logiques bien amenés et cette réflexion simplement exposée. Je partage."


Sophie : "l'histoire de tous ces migrants est vraiment affreuse pour des gens qui aspirent juste à vivre mieux (ou vivre tout court) comme on aurait tous aussi voulu le faire à leur place."







 

 


Ce site web a été créé gratuitement avec Ma-page.fr. Tu veux aussi ton propre site web ?
S'inscrire gratuitement